mardi 27 mars 2007

En supplément du cours du 31 mars

Ne vous mariez pas, les filles !

Avez-vous vu un homme à poil
Sortir soudain d'la salle de bains
Dégoulinant par tous les poils
Et la moustache pleine de chagrin ?
Avez-vous vu un homme bien laid
En train d'manger des spaghetti
Fourchette au poing, l'air abruti
D'la sauce tomate sur son gilet
Quand ils sont beaux, ils sont idiots
Quand ils sont vieux, ils sont affreux
Quand ils sont grands, ils sont feignants
Quand ils sont p'tits, ils sont méchants
Avez-vous vu un homme trop gros
Extraire ses jambes de son dodo
S'masser l'ventre et s'gratter les tifs
En r'gardant ses pieds l'air pensif ?

{Refrain 1:}
Ne vous mariez pas, les filles, ne vous mariez pas
Faites plutôt du cinéma
Restez pucell' chez vot' papa
Dev'nez serveuse chez un bougnat
El'vez des singes, él'vez des chats
Levez la patte à l'Opéra
Vendez des boit' de chocolat
Prenez le voile ou l'prenez pas
Dansez à poil pour les gagas
Soyez radeuse av'nue du Bois
Mais ne vous mariez pas, les filles
Ne vous mariez pas.

Avez-vous vu un homme gêné
Rentrer trop tard pour le dîner
Du rouge à lèvres sur son col
Du flageolant dans la guibole
Avez-vous vu au cabaret
Un monsieur qui n'est plus très frais
Se frotter avec insistance
Sur un' petite fleur d'innocence
Quand ils sont bêtes, ils vous embêtent
Quand ils sont forts, ils font du sport
Quand ils sont riches, Ils gar'nt l'artiche
Quand sils sont durs, ils vous torturent
Avez-vous vu à votre bras
Un maigrichon aux yeux de rat
Friser ses trois poils de moustache
Et se redresser, l'air bravache.

{Refrain 2:}
Ne vous mariez pas, les filles, ne vous mariez pas
Mettez vos robes de gala
Allez danser à l'Olympia
Changez d'amant quat' fois par mois
Prenez la braise et gardez-la
Cachez la fraîche sous vos matelas
A cinquante ans, ça servira
A vous payer des beaux p'tits gars
Rien dans la tête, tout dans les bras
Ah, la belle vie que ça sera
Si vous n'vous mariez pas, les filles
Si vous n'vous mariez pas.

dimanche 18 mars 2007

Je voudrais pas crever

JE VOUDRAIS PAS CREVER Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un coté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zob
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algues
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquèle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le gout qui me tourmente
Le gout qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir gouté
La saveur de la mort...

VIAN

samedi 17 mars 2007

Serge Reggiani dit Le Dormeur du Val





Serge Reggiani, dans l'enregistrement qu'il a fait en 1968, fait précéder le Déserteur du poème de Rimbaud, Le Dormeur du val. Texte ci-dessous, son ci-dessus.

Le Dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent; où le soleil de la montagne, fière,
Luit. C'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat, jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme:
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Le poème date de 1888. Rimbaud a alors 16 ans.

mercredi 14 mars 2007

Pour le 17 mars : Canons à vendre !

Le petit commerce


J'ai vendu du mouron
Mais ça n'a pas marché
J'ai vendu des cravates
Les gens étaient fauchés
J'ai vendu des ciseaux
Et des lames de rasoir
Des peignes en corozo
Des limes et des hachoirs
J'ai essayé les fraises
J'ai tâté du muguet
J'ai rempaillé des chaises
Réparé des bidets
Je tirais ma charrette
Sur le mauvais pavé
J'allais perdre la tête
Mais j'ai enfin trouvé

Je roule en Cadillac dans les rues de Paris
Depuis que j'ai compris la vie
J'ai un petit hôtel, trois domestiques et un chauffeur
Et les flics me saluent comme un des leurs
Je vends des canons
Des courts et des longs
Des grands et des petits
J'en ai à tous les prix
Y a toujours amateur pour ces délicats instruments
Je suis marchand d'canons venez me voir pour vos enfants
Canons à vendre !

Avec votre ferraille
On forge ces engins
Qui foutront la pagaille
Parmi ceux du voisin
Ça donne de l'ouvrage
A tous les ouvriers
Et chacun envisage
De fonder un foyer
Pour se faire des finances
On fabrique des lardons
On touche l'assurance
Et les allocations
Ça n'a pas d'importance
Car lorsqu'ils seront grands
Ils iront en cadence
Crever pour quelques francs

Je vendais des canons dans les rues de la terre
Mais mon commerce a trop marché
J'ai fait faire des affaires à tous les fabricants d'cimetières
Mais moi maint'nant je me retrouve à pied
Tous mes bons clients
Sont morts en chantant
Et seul dans la vie
Je vais sans soucis
Aux coins des vieilles rues, le cœur content, le pied léger
Je danse la carmagnole, y a plus personne sur le pavé
Canons en solde !

mardi 6 mars 2007

Pour le 17 mars, le Déserteur

Le déserteur est certainement la chanson de Boris Vian la plus connue. Il l'a écrite le 15 février 1954.
Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C'est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m'en vais déserter

Depuis que je suis né
J'ai vu mourir mon père
J'ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j'étais prisonnier
On m'a volé ma femme
On m'a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J'irai sur les chemins

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens:
Refusez d'obéir
Refusez de la faire
N'allez pas à la guerre
Refusez de partir
S'il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n'aurai pas d'armes
Et qu'ils pourront tirer.

C'est Mouloudji (ci-dessous) qui l'interprète le premier, en mai 1954 au Théâtre de l'Œuvre. La chanson était très violente. Il a proposé à Vian des "adoucissements", que Vian a acceptés. Elle se terminait par :
Si vous me poursuivez
prévenez vos gendarmes:
que je serai en armes
et que je sais tirer.
Elle deviendra
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n'aurai pas d'armes
Et qu'ils pourront tirer
Dans la version de Mouloudji, "Monsieur le Président" est remplacé par "Messieurs qu'on nomme grands".

Vous pouvez écouter sa version ici

Il existe un site italien ("canzioni contra la guerra" Chansons contre la guerre) qui recense toutes les versions du Déserteur. Il est ici. Elle est traduite en 44 langues, dont le japonais.

dimanche 4 mars 2007

En complément du cours du 10 mars

En complément de la "Complainte du progrès", vous pouvez regarder sur le site de l'INA une présentation du salon des arts ménagers, traitée dans le style humoristique de l'époque (1951) par Pierre Dac et Francis Blanche.

Borisvian.fr nous indique que :
D'abord intitulée " Les arts ménagés", salon qui se tenait tous les ans à Paris, au Grand Palais, cette chanson est déposée à la SACEM le 10 janvier 1955 puis enregistrée en avril 1955 pour le 45 tours de Boris Vian.
Sur le manuscrit, Vian a noté : " mon Ourson " au lieu de " Gudule " (mon ourson était le surnom d'Ursula)

http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=AFE85003963

Aspirateur...Matelas (peut-être un Dunlopillo)...
Machine à laver...
Mixeur...Voici le script du reportage :
Présentation des nouveautés du salon ménager par deux clochards Francis BLANCHE et Pierre DAC, traité de façon humoristique:
- Titre : "Les Arts Ménagers" surimpressionné sur un réverbère éclairé, la nuit
- Deux clochards (Pierre DAC et Francis BLANCHE) près d'une poubelle, la nuit, cassant la croûte au pied d'un escalier. Dialogue
- Stand de l'Electricité de France aux Arts Ménagers avec le plateau volant, cuisant les oeufs au plat
- Jeune femme cassant des oeufs sur le plateau volant
- Démonstration d'un mixeur tournant la mayonnaise
- Stand des frigidaires avec PANO sur l'intérieur d'un appareil
- VG de la grande nef du Grand Palais, prise du premier étage avec les stands pendant le Salon des Arts Ménagers
- Les deux clochards (Pierre DAC et Francis BLANCHE) parlant ensemble près de leur poubelle
- Au stand "Cadillac" démonstration d'un aspirateur Cadillac sur un tapis
- Démonstration sur une jeune femme, du sèche-cheveux Cadillac
- Démonstration au stand des machines à laver "Laden". Jeune femme sortant du linge (caleçon et chaussettes) de la machine à laver
- Les deux clochards parlant ensemble
- Jeune femme couchée sur un matelas
- PP de Francis BLANCHE en clochard et PP de Pierre DAC en clochard
- VG des deux clochards continuant leur dialogue assis sur l'escalier, une bouteille de vin rouge à la main
- Pierre DAC retirant une de ses "godasses", la jetant sur le réverbère qui se casse et s'éteint : Pierre DAC disant "c'est rien chouette l'électricité".